A Bordeaux, le GLOB théâtre est une institution. En effet, situé au 69 rue Joséphine, il constitue depuis longtemps un trait d’union entre les arts de la scène et les spectateurs avides de nouveauté. C’est donc ce lieu emblématique que l’architecte Christophe Hutin vient de réhabiliter. Une intervention haute en couleur qui ancre les arts dans la ville, perpétue la tradition et offre un nouvel équipement à tout un quartier.
Par Sipane Hoh
Le commissaire du pavillon français de la biennale d’architecture de Venise vient de terminer un projet emblématique à Bordeaux. Il s’agit du GLOB théâtre, un lieu atypique construit au fil des ans par ses propres équipes et dont la toiture, sérieusement endommagée, avait besoin d’une mise aux normes.
Façade © Pierre Planchenault
Un vaste chantier de transformation
Le projet a donc été avant tout une rencontre entre Monique Garcia, la directrice et la co-fondatrice du GLOB Théâtre, et l’architecte bordelais Christophe Hutin. Ils se sont croisés il y a cinq ans pour discuter de la rénovation et ont trouvé ensemble des valeurs communes pour mener à bien le projet. C’est ainsi, qu’en juin 2021, démarre le vaste chantier de transformation qui donne la priorité au réemploi des matériaux et l’utilisation d’équipements techniques peu énergivores, tout en mettant la production et la diffusion artistique au cœur du dispositif. Après un an et demi de travaux, le théâtre est prêt, aujourd’hui, à accueillir un public encore plus large, consolidant ainsi la vie de quartier.
Le GLOB, qui se trouve au nord de Bordeaux dans un quartier anciennement industriel, était installé depuis près de 30 ans dans une ancienne scierie. Un lieu atypique qui s’est agrandi petit à petit selon les besoins et les diverses exigences des utilisateurs des lieux, devenant, au fil des ans, un incontournable de la production artistique et de la diffusion. Il est ensuite devenu, en 2019, Scène conventionnée d’Intérêt National. Par ailleurs, l’augmentation de la jauge semblait nécessaire pour cet équipement vieillissant qui devait subir une véritable régénération. Augmenter la jauge d’accueil à environ 200 places assises, contre 114 avant travaux, n’était pas une mince affaire. Il fallait veiller à la modularité des espaces de jeu pour les artistes, fluidifier les déplacements du public au sein des différents espaces, tout en gardant la juxtaposition des activités dans le but de fonder un lieu de vie à part entière. Soulignons qu’avec la nouvelle configuration, différents groupes comme les familles, les scolaires ou les professionnels peuvent être accueillis en mezzanine ou dans le nouveau hall, sans gêner les répétitions des artistes.
« Il s’agit de faire du GLOB un endroit ouvert et accueillant, à toute heure de la journée, que l’on soit de passage ou du quartier. Un lieu où chaque personne prend plaisir à venir, que ce soit pour travailler, rencontrer un artiste, participer à un atelier, voir un spectacle ou même boire un verre et jouer. Symbole fort, nous avons enlevé les barreaux des fenêtres. Et l’orange, une couleur chaude, a été choisie pour la façade extérieure. » Déclare Monique Garcia, la directrice du GLOB.
Bar © GLOB théâtre
© Pierre Planchenault
Nouveau Gradin © GLOB théâtre
Un lieu étonnant et habité
Avant toute intervention, Christophe Hutin est venu à plusieurs reprises voir des représentations au GLOB. Il trouvait en effet le lieu étonnant et habité. Deux caractéristiques qu’il a souhaitées perpétrer. En effet, le GLOB constitue pour tous un lieu de vie faisant partie de l’histoire du quartier. Une histoire qu’il fallait, selon l’homme de l’art, perpétuer et non effacer. C’est pourquoi, l’intervention architecturale oscille entre sensibilité et pragmatisme. Elle garde l’existant, l’améliore et y ajoute le nécessaire pour garder l’âme du lieu. Un théâtre dans une ancienne scierie n’est pas anodin ; la reconstruction n’en a été que plus passionnante. C’est pourquoi, Christophe Hutin a beaucoup discuté et échangé avant d’intervenir sur un lieu qu’il trouvait extraordinaire.
Afin de respecter le passé, l’architecte a maintenu l’aspect chaleureux du hall d’entrée, ainsi que sa mezzanine en bois. Ce hall qui a toujours été un lieu de vie et d’accueil s’est amélioré grâce à l’isolation thermique et sonore et a même augmenté sa taille en y introduisant un gradin rétractable. De même, pour des raisons techniques et de sécurité, il a fallu démolir la cheminée qui était inutilisée depuis très longtemps. Par ailleurs, nous apercevons toujours quelques traces du passé grâce à des briques apparentes. Un geste important vis à vis du passé ouvrier. A cela s’ajoute le choix de la tôle ondulée qui sert d’enveloppe. Une couleur osée, l’orange, qui ne passe pas inaperçue. Avant toute explication, rappelons que l’architecte qui a passé plusieurs années en Afrique du sud et a travaillé dans des quartiers à l’habitat dit informel, affectionne ce matériau. Mis à part un choix visuel, il s’agit également d’un enjeu technique. En effet, il s’agit d’un matériau très rigide malgré sa finesse. Cela octroie à l’enveloppe une grande solidité. Il s’agit donc d’une matière que l’architecte manie avec la plus grande adresse. Quant à la teinte orange, l’architecte nous explique que c’est le choix de l’équipe du GLOB. Et, pour l’anecdote, sur le tout premier livre en tant qu’architecte, la couverture était une maison en tôle ondulée de couleur orange. Une belle coïncidence !
Peut-on dire que le GLOB fait partie des projets écologiques ? La réponse de l’architecte est sans équivoque. Du moment que l’intervention se déroule sur un bâtiment existant, le geste est durable. « Je ne le dirai jamais assez, l’écologie vient d’abord de la prise en compte d’un existant et de l’attention que l’on va accorder à transformer un lieu déjà là en conservant un maximum de ses atouts et matériaux parmi ceux qui en valent la peine. La vertu écologique, elle vient aussi de là. Casser pour tout refaire, même si l’on construit un bâtiment neuf qui coche toutes les cases, cela restera toujours moins écologique. » Conclue l’architecte.
Le GLOB théâtre entame ainsi une nouvelle page de son histoire.