L’agence d’architecture Belenfant Daubas a été fondée par Bruno Belenfant et Loïc Daubas qui, depuis leur plus jeune âge, regardent vers le futur en se fondant sur le passé. Ces architectes qui manient depuis toujours, et avec la plus grande aisance, la construction en terre, en bois, en paille - bref, en matériaux naturels - étaient déjà des précurseurs.
Par Sipane Hoh
Atelier Belenfant Daubas © Germain Herriau
Cette aventure a commencé sur les bancs de l’école d’architecture où se sont rencontrés les deux étudiants qui, plus tard, sont devenus amis et associés. Loïc Daubas nous raconte que, lors de leurs études, les ateliers maquette les ont toujours intrigués. D’un autre côté, les métropoles et ce qu’elles proposaient ne répondaient pas aux questionnements des deux architectes. C’est ainsi qu’une appétence pour une échelle réelle, doublée par une curiosité accrue pour les méthodes constructives, les a conduit à l’achat d’un immeuble ancien, vieillissant et dégradé. Ce dernier est devenu le terrain de jeu où le duo a essayé de mieux comprendre les divers procédés de l’architecture. Loin des icônes architecturales qui ont marqué plusieurs générations, Loïc et Bruno se sont penchés sur l’architecture vernaculaire. Un retour aux sources avec les moyens de l’époque qui continue à marquer la production de l’agence jusqu’à nos jours. Qui aurait cru que l’immeuble, devenu un champ expérimental pour les deux étudiants, allait devenir, plus tard, leur agence d’architecture ?
Aujourd’hui, établis à Nozay entre Nantes et Rennes, c’est dans les murs de cet édifice possédant surtout une grande valeur sentimentale qu’exerce le duo. Orienté sur les problématiques d’environnement et de santé, l’Atelier Belenfant Daubas - après avoir consacré ses premières années principalement à la restructuration de bâtis anciens - réalise depuis des programmes plus vastes - notamment en marché public- comme les équipements culturels, scolaires ou techniques, le logement social et les bâtiments tertiaires avec, comme fil conducteur, la responsabilité sociale et environnementale adaptée à chaque réalisation. Par ailleurs, tandis que Loïc Daubas est titulaire - maître de conférence - à l’école d’architecture de Bretagne depuis 2014, Bruno Belenfant est enseignant vacataire à l’école d’architecture de Nantes. Fidèles à leurs convictions, Ils s’investissent également dans des structures associatives comme Novabuild, Construire en chanvre Bretagne, ARDEPA et Association des terreux armoricains. Depuis la création de leur agence, les réalisations sont nombreuses. En avant-garde des préoccupations actuelles de la durabilité, elles démontrent un véritable savoir-faire empreint d’une grande humilité.
Pôle Enfance Felix Leclerc Bouvron. © Germain Herriau
Pôle Enfance Felix Leclerc. © Jean-Franois Molliere
Pôle Enfance Felix Leclerc à Bouvron
C’est une réalisation née de plusieurs ateliers participatifs. Un exercice complexe mais très instructif selon les architectes qui, selon leur habitude, ont écouté les intéressés, réfléchi de manière pragmatique pour répondre favorablement aux diverses exigences et engendrer une architecture respectueuse de son environnement. Un ensemble où tout le monde se sent bien. En mobilisant tous les acteurs, une construction exemplaire a émergé, à la fois unique et singulière mais capable de tirer les bons exemples et de jalonner les bons apprentissages. C’est un projet qui a utilisé la terre du site comme matière première pour l’ensemble des murs intérieurs. De même, du processus de concertation est née la fabrication d’igloos pour les enfants ; une idée qui continue à séduire tous les intéressés.
Les architectes soulignent par ailleurs qu’en mettant en œuvre des filières courtes à l’échelle communale, le site s’est reconnecté à son environnement. Tout est conçu dans une démarche environnementale et durable. Par exemple, à l’entrée du site où se trouve un silo agricole - élément commun du paysage rural -, il a été décidé que ce dernier stocke le bois déchiqueté issu de l’élagage des arbres communaux pour alimenter la chaudière en bois. De même, les cours sont tapissées de copeaux où poussent des fraises, des framboises et d’autres herbes utilisées dans la cuisine des écoliers. Ce travail a été réalisé par l’agence de paysage La Terre Ferme. La construction du pôle Enfance Felix Leclerc a donc mobilisé tous les habitants d’un territoire. Il s’agit d’un très bel exemple de projet participatif, utile à tous. C’est pourquoi, il a reçu le prix du public Aperçus 2017 lancé par le CAUE 44 et aussi le Prix national de la construction en terre crue 2022.
Igloo © Germain Herriau
Igloo © Jean-Franois Molliere
Igloo à Nantes
L’agence d’architecture Belenfant Daubas a réalisé, à Nantes, pour l’association Igloo, un projet participatif et humaniste. En effet, depuis plus de 20 ans, l’expérimentation Igloo, soutenue par un groupement d’acteurs sociaux, a osé le pari d’associer action sociale et logement selon une voie originale. C’est en se basant sur la participation active de chacun des futurs bénéficiaires que le projet a avancé et a pris forme ; le tout grâce à l’écoute, la compréhension des architectes et leur capacité de traduire les divers besoins, souhaits et exigences des gens. Il en résulte une réalisation qui aide les intéressés à reprendre confiance en eux et en l’autrui, à réapprendre à travailler, tout en vivant dans un lieu agréable et sécurisant. De ce fait, l’organisation spatiale des lieux a été élaborée pour et avec leurs destinataires qui n’avaient plus de logement fixe. L’architecture s’ancre dans le lieu choisi et se déploie selon les habitations à deux pentes qui ressemblent aux maisonnées alentours.
De même, les logements en plain-pied qui sont exposés au sud ont été conçus autour d’une placette plantée d’arbres fruitiers mis à disposition des occupants. Chaque habitation entretient une relation directe avec son environnement immédiat afin de renouer progressivement avec un mode de vie interrompu. Tout a été pensé dans le but d’offrir un environnement confortable et agréable aux usagers. Encore une fois, il s’agit d’un bon exemple d’habitat participatif.
Biolait Saffré. © Jérome Blin
Biolait Saffré © Jérome Blin
Biolait à Saffré
C’est un projet qui vient tout juste d’être livré. Il s’agit du siège social de Biolait, la première entreprise de collecte de lait bio national. Pourtant, le chantier était complexe car la réalisation croise le bois, le chanvre et la terre. C’est un exemple parfait d’une architecture qui met à contribution tous les bienfaits des matériaux biosourcés. Les architectes avaient réalisé, il y a dix ans et pour le même propriétaire, un édifice sur la même parcelle. Cette fois-ci, le commanditaire demandait un autre bâtiment qui viendrait se joindre à l’ancien sans pouvoir distinguer les deux. L’agence a répondu aux diverses exigences avec la plus grande vigilance et sensibilité. De fait, personne ne fait la différence entre les deux entités. C’est une démarche environnementale poussée qui a donné naissance à un bâtiment bas carbone à énergie positive.
L’agence a réalisé moult projets dont plusieurs écoles maternelles, quelques projets de logements et d’autres réalisations participatives qui fabriquent de véritables lieux de vie. Elle vient de gagner plusieurs concours dont le Groupe scolaire Ange Guépin à Nantes. Loïc Daubas et Bruno Belenfant interviennent à des conférences traitant du réemploi et du recyclage de la matière. Loïc Daubas a aussi créé avec un autre architecte-enseignant, un ingénieur et un maçon, une formation qui forme les architectes et les enseignants des écoles d’architecture à la terre, en leur inculquant une certaine sensibilité et affinité pour les valeurs de durabilité. Depuis sa création, l’agence Belenfant Daubas continue son chemin sans pour autant délaisser son passé.