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L’architecture comme instrument pour une vie meilleure

15 septembre 2022

Des courbes dansantes qui véhiculent un message essentiel : célébrons les différences.

 

 
Changement social. L’Anandaloy à Rudrapur ouvre la voie du futur – par son architecture et en tant qu’institution. Photo © Kurt Hörbst

 

L’architecture est un instrument pour une vie meilleure, l’architecte allemande Anna Heringer en est convaincue et c’est dans cet état d’esprit qu’elle s’est lancée dans le projet Anandaloy à Rudrapur au Bangladesh. L’Anandaloy est un centre pour handicapés abritant un petit atelier de production de tissus équitables baptisé ‘Dipdii Textiles’. Le bâtiment a été construit en matériaux locaux, notamment l’argile et le bambou, en recourant dans une grande mesure à une main d’œuvre locale. Une démarche qui s’inscrit pleinement dans la philosophie de l’architecte allemande, pour qui une construction représente bien plus qu’un simple assemblage de matériaux. Elle y voit aussi et surtout un catalyseur pour le développement local d’une région, avec un budget réinvesti dans les cultivateurs et les artisans locaux, libérant ainsi une marge de manœuvre et des moyens pour d’autres projets futurs. Anna Heringer n’en était pas à son coup d’essai à Rudrapur, où elle a déjà réalisé cinq projets, dont l’école METI. Une solide expérience participant à un processus d’apprentissage constant, qui se consolide à chaque succès.

 


Il n’y a rien qui ne soit pas à sa place à Anandaloy. Photo © Kurt Hörbst

 

La particularité du bâtiment Anandaloy, c’est que cette fois, il n’y avait pas d’équipe allemande pour superviser les travaux. Au contraire, c’est une entreprise de construction locale qui s’en est chargée. De plus, une équipe d’ouvriers originaires du village travaillant la glaise et le bambou a participé à la réalisation du projet. Parmi eux se trouvaient plusieurs personnes handicapées. Le partage de connaissances est essentiel pour Anna Heringer. De même que la visibilité et l’inclusion des handicaps qui au Bangladesh sont aujourd'hui encore souvent considérés comme une punition ou un mauvais karma d’une vie antérieure. Au Bangladesh, les personnes avec un handicap physique ou mental sont souvent livrées à elles-mêmes par manque de structures d’accueil et de thérapie. Et leur intégration est un élément fondamental de l’ensemble du projet.

 


Les nombreux arrondis du bâtiment sont inhabituels dans la région. Ici aussi, Anna Heringer a choisi une nouvelle approche de l’architecture. Photo © Studio Anna Heringer

 

Au centre de thérapie initialement prévu s’est finalement ajouté un atelier de confection vestimentaire. Et donc un étage supplémentaire. Anna Heringer, dont le projet se profile comme une solution contre l’exode rural, offre aux femmes la possibilité de trouver un emploi dans leur propre village et participe personnellement à la bonne perception de la nouvelle infrastructure : "Le concept n’était pas seulement d’offrir un traitement thérapeutique aux personnes en situation de handicap”, explique-t-elle, “mais aussi de leur permettre d’apprendre, de travailler et de trouver leur place dans la communauté. Tout le monde veut se sentir utile."

 


L'inclusivité n’est pas un vain mot à Anandaloy. Ici, les personnes handicapées ont la possibilité de montrer qu’elles font partie de la société et en sont même un atout. Photo © Kurt Hörbst

 

Pour communiquer la teneur du concept au monde extérieur, une grande rampe a été aménagée pour accéder au premier étage, signe visible de la volonté d'inclusivité du bâtiment. Ce geste architectural a suscité de nombreuses questions parmi la population: Pourquoi est-ce important de garantir l’accès à tous, en bonne santé ou non ? Mais les doutes voire les craintes suscitées par ces nouveaux contacts ont vite été balayés. En marge de cela, Anna Heringer a résolument choisi l’argile pour ses possibilités sculpturales, qui ont permis de créer une identité forte, même si l’argile est souvent perçue comme un matériau de mauvaise qualité et dépassé. "Pour nous, l’âge du matériau n’a aucune importance. L'important c’est notre créativité et notre capacité à en faire quelque chose de moderne. Pour faire ressortir la beauté et le potentiel de l’argile, il faut en tirer le meilleur et non la traiter comme une simple version moins chère de la brique."

 


Anna Heringer voit en l’argile un matériau polyvalent, durable et innovant avec énormément de potentiel. Photo © Stefano Mori

 

Le bâtiment Anandaloy brise les tabous à tous les niveaux : il ne se conforme pas, ni au niveau du contenu, ni au niveau de la forme. Les courbes façonnées à l’argile (selon la technique du ‘torchis’) sont éloquentes. Contrairement aux autres bâtiments des environs, construits selon un plan rectangulaire, le bâtiment Anandaloy sort du moule. Il semble danser avec sa rampe qui s’enroule autour de la structure intérieure.

 


L’utilisation de matériaux locaux comme l’argile et le bambou crée un lien étroit entre le bâtiment Anandaloy et son site. C’est ce qui fait toute son authenticité. Photo © Stefano Mori

 

La stratégie de tous les projets d’Anna Heringer, que ce soit dans un contexte européen, asiatique ou africain, repose sur l’utilisation de sources d’énergie et de matériaux locaux et l’implication de travailleurs locaux portés par un savoir-faire mondial. Cet engagement a été récompensé en 2021 par le Prix européen d’Architecture Philippe Rotthier.

 


Grâce à leur travail dans l’atelier de confection, les femmes de la région acquièrent plus d'indépendance et de confiance en elles. Photo © Günter König

 

Cet article est une traduction retravaillée
d’un article en allemand de Barbara Jahn.

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