Fin 2020, la Galerie d'architecture, située au 11 rue des blancs manteaux à Paris, a présenté l'exposition « L'Architecture est un territoire » consacrée au travail de Rémy Marciano. Une rétrospective sur les vingt ans d’architecture mais aussi sur les différents contextes qui ont marqué l’architecte. L’occasion de rencontrer ce dernier tout en faisant une immersion dans ses réalisations.
Par Sipane Hoh
© La Galerie d’Architecture
De l’architecture au territoire, il n’y a qu’un pas. L’architecte Rémy Marciano est conscient que l’un ne peut pas évoluer sans l’autre et c’est ce qu’il a essayé de montrer à travers les quelques œuvres présentées lors de son exposition parisienne. L’idée de cette dernière était donc, tout d’abord, monographique mettant en avant des projets qui ont constitué la pensée de l’architecte souhaitant montrer la manière dont se sont tissés ses projets.
« L’architecture est un territoire »
L’exposition s’ouvrait en mettant en avant les artistes et les photographes. L’architecte déclare être très sensible à la beauté enfouie que les photographes mettent en avant : « Ils alimentent mon imaginaire, en dévoilant ce que l’on ne voit pas » dit-il. C’est avec cet univers de regards, de rencontres et de complicités que l’exposition commençait. Une entrée en matière essentielle pour l’architecte qui cherche ces liens intimes que l’architecture et le territoire instaurent : « des liens qu’on a envie de mettre en scène ».
L’idée de l’exposition ? « C’est comment on peut basculer de la banalité d’un projet sur un territoire ordinaire à une histoire extraordinaire » répond l’homme de l’art qui n’a pas hésité de mettre en avant des grandes maquettes montrant le voisinage d’un projet jusqu’à 1 Km. « Ces échantillons de territoires révèlent comment le projet s’inscrit dans une trame urbaine ou comment le projet incarne sa propre identité ». Le lien entre toutes les maquettes exposées ? C’est surtout la relation d’un programme avec son territoire. Un exercice délicat que Rémy Marciano manœuvre avec délicatesse.
Le territoire comme fil conducteur
© Quentin Besson
© Quentin Besson
Depuis la création de son agence, les réalisations de Rémy Marciano se sont développées pour englober des projets architecturaux mais aussi urbains variés. Nous pouvons définir la démarche de l’architecte par l’attention particulière portée aux différentes dimensions de la ville et du territoire, sans oublier le contexte qui spécifie, comme un fil conducteur, ses diverses réalisations.
Rémy Marciano a livré, à Luminy, le projet « Hexagone » - une bibliothèque -, ainsi qu’un nouveau ‘learning center’ dédiés au campus de l’Université de Marseille. Lancé en 2008 par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, le Plan Campus visait, en effet, à moderniser de nombreux pôles universitaires à vocation internationale. C’est l’agence Rémy Marciano Architectes qui a été choisie pour mener à bien le projet de Marseille.
Le projet consiste en la transformation d’un bâtiment existant - qui était l’ancien restaurant universitaire du campus -, mettant en avant la notion de réemploi dans l’architecture. « Nous avons fait le choix de conserver et transformer le bâtiment existant, avec toute la complexité technique que cela comportait mais avec toute la richesse que cette solution a amené aussi dans la mise en scène de la structure existante, la récupération des beaux volumes présents » déclare l’architecte. Une réalisation monumentale que ce dernier a maniée avec finesse pour offrir un nouveau lieu de vie, d’échange, mais aussi de partage, aux étudiants. Il s’agit, en effet, d’une construction hexagonale de couleur blanche aussi sobre qu’épurée, aux façades ciselées, qui a su réinventer, à elle seule, le paysage, tout en tissant un lien particulier avec son entourage naturel marqué par la présence généreuse des calanques.
Une extraordinaire conception qui a tiré profit du contexte pour engendrer des espaces bénéficiant de la lumière naturelle ombragée grâce à la présence des brise-soleils et une généreuse terrasse pour les amateurs de lecture en plein air. Nous remarquons qu’encore et toujours, le territoire guide et façonne le concept de l’architecte.
© Florence Vesval
© Florence Vesval
Évoquons également son projet du Lycée de Châteaurenard dont il parle avec ferveur en évoquant la surprise, la déclinaison d’un modèle et, surtout, le lien avec son environnement. Il est des territoires marqués par une présence naturelle, végétale ou industrielle. Dans le cas de ce projet, c’est le territoire agricole qui est omniprésent et le souhait de l’architecte était d’offrir aux divers utilisateurs des lieux, en l’occurrence aux enfants, un lieu de vie leur permettant de s’émanciper du monde qui les entoure. « Nous avons travaillé avec mon associé José Morales, sur un bâti qui s’inscrit dans un bocage mais avec une écriture urbaine » déclare l’architecte.
Parallèlement à ses constructions, Rémy Marciano mène une carrière d’enseignant. Très apprécié de tous, l’homme de l’art s’avère être un vrai stratège et mène avec une grande habileté des liens indéfectibles avec ses étudiants, tout en leur insufflant des principes qui lui sont chers.
© Marciano Architecture
© Marciano Architecture
L’agriculture urbaine
Rémy Marciano pense qu’aujourd’hui, l’enjeu se situe dans l’engagement des architectes qui, épaulés par d’autres acteurs de la ville, pourraient donner du sens à leur pratique. Et c’est ainsi que l’agence a pu développer un nouveau concept - l’agriculture urbaine - où il s’agit d’un projet mixte baptisé « Le verger » qui met en avant les filières courtes et les productions locales, tout en proposant des logements, des serres, des bureaux, des halles de marché. Une idée que l’architecte est en train de concrétiser à Marseille et qui pourra se décliner dans d’autres villes et sur divers territoires.
Rémy Marciano a reçu plusieurs distinctions pour ses différentes réalisations qui dialoguent subtilement et chacune à sa manière avec le territoire. Ce dernier, devenu au fil des ans le terrain favori de l’architecte, se révèle différemment à chaque projet abordé. Cela est dû à la complicité sans faille que l’homme de l’art entretient avec chacune de ses réalisations. Des réalisations qui témoignent de la curiosité, du désir et surtout de l’humilité de leur architecte.